Editorial de Pascal Pavageau (FO-Hebdo) du mercredi 11 juillet 2018

Encore une fois, la méthode employée dans le cadre de la réforme constitutionnelle où les organisations syndicales n’ont été nullement consultées, démontre une conception bien particulière du dialogue social : « je marche seul », qu’importe finalement ce que peuvent en penser les intéressés.

Ce texte, pour autant, transforme en profondeur le Conseil Economique, Social et Environnemental en « Forum de la République ». Alors que la réforme de 2010 avait déjà amoindri le poids des organisations syndicales dans la représentation du Conseil, les évolutions annoncées ont pour objectif, sous couvert de mieux coller à l’image de ladite « société civile », de noyer purement et simplement les garants des intérêts des travailleurs, face à une multiplication d’acteurs notamment associatifs. Cette réforme du Cese appelle une grande vigilance. Notre conception du syndicalisme exige que notre rôle ne soit pas relayé à celui de « co-législateur », qu’amènerait notamment une saisine obligatoire par le gouvernement, entrant directement en concurrence avec le droit à concertation des organisations syndicales reconnu par l’article L1 du Code du travail. Aujourd’hui, comme hier par la voix et l’action de Léon Jouhaux, Force Ouvrière entend prendre toute sa place et appelle au maintien et au renforcement du dialogue social tripartite, fondé sur la liberté syndicale et le droit à la négociation collective entre interlocuteurs sociaux.

Au-delà de la réforme du Cese, ce projet de loi est d’ailleurs révélateur de la volonté actuelle d’affaiblissement des contrepoids et contrepouvoirs. Plusieurs de ses dispositions tendent à réduire les pouvoirs du Parlement, notamment par un raccourcissement des navettes et une limitation du droit d’amendement, au profit d’une ingérence croissante du chef de l’État dans le processus législatif.

Encore une fois, c’est le choix d’un texte fourre-tout qui est fait, dans l’espoir sans doute d’y faire passer inaperçues certaines de ses mesures. La suppression de la référence à la Sécurité sociale, que Force Ouvrière a pour l’instant pu empêcher, est sur ce point symptomatique. Cette réforme est en revanche l’occasion manquée d’inscrire dans ce texte fondamental de véritables avancées, comme la « valeur constitutionnelle du principe de fraternité », dernièrement consacrée par le Conseil constitutionnel.

Indéniablement, l’élaboration d’une telle réforme mériterait le temps d’une réelle concertation. A confondre vitesse et précipitation, l’immaturité du projet laisse planer la crainte d’une déforme constitutionnelle.