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Editorial de Pascal Pavageau (FO-Hebdo) du mercredi 27 juin 2018

Oui, il y a de quoi s’offusquer du pognon de dingue mis dans ces mesures qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. À elles seules, les niches et aides fiscales et sociales au bénéfice des entreprises, dont le CICE et le pacte dit de responsabilité, représentent un manque à gagner de 150 milliards d’euros : un cadeau annuel sans contrôle ni contrepartie !

En s’attaquant aux minima sociaux, le président de la République se trompe de cible : avec 25 milliards d’euros, soit à peine plus de 1 % de la richesse produite dans notre pays, ils sont un puissant levier de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Sans cette redistribution, la France compterait 5 millions de personnes pauvres supplémentaires, passant de 14 % à 22 % de la population.

Force Ouvrière juge inacceptable cette nouvelle offensive car elle contribue à instiller l’idée selon laquelle les aides seraient trop nombreuses, trop coûteuses et finalement peu efficaces. C’est oublier qu’elles permettent tout simplement de vivre lorsqu’elles représentent jusqu’à la moitié du revenu des ménages les plus modestes. C’est stigmatiser notre politique de redistribution et ceux qui en bénéficient, en oubliant combien le taux de non-recours est important.

L’émancipation par le travail nous est vantée comme solution à la pauvreté, renvoyant à chacun la responsabilité de sa propre « employabilité ». C’est ignorer que la France compte pas moins de 2 millions de travailleurs pauvres et que deux tiers des adultes en situation de pauvreté ont un emploi ou en recherchent activement.

On peut voir derrière ces propos au mieux une méconnaissance de la réalité, au pire un mépris certain pour ceux qui, paraît-il, ne sont rien. Pourquoi serait-ce une économie nécessaire que d’enlever aux personnes déjà pauvres et un investissement que de donner aux déjà riches ? La question est bien moins celle de l’efficacité de la dépense publique que celle de la réduction des budgets sociaux, par un discours de responsabilisation pour plus d’individualisation. Avec cette logique, on passe de la théorie absurde du ruissellement à une mise en œuvre d’évaporation !

Prendre les inégalités à la racine, ce n’est pas prôner une méritocratie illusoire en faisant croire qu’il suffit de s’en donner les moyens pour s’en sortir seul, c’est reconnaître la responsabilité de la puissance publique dans son rôle de redistribution des richesses. La lutte contre la pauvreté ne doit pas relever de la charité mais de la solidarité nationale et républicaine, pour détruire les trappes à pauvreté, assurer une réelle justice sociale et l’émancipation de tous. La pauvreté des biens est facile à guérir ; la pauvreté de conscience n’a aucun remède.