Confédération FO
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Suite à la publication du livre « les fossoyeurs », dénonçant les dividendes réalisés au sein des EHPAD[1] Orpéa au détriment des résidents, des camarades ont vivement réagi et nous fait parvenir des réactions argumentées sur les fonctionnements des EHPAD privés.

En voici une des plus instructive.

Les autorités tarifaires (ARS[2] et département) accorde un budget contraint annuel à un EHPAD qui correspond à l’ensemble des dépenses que cet EHPAD prévoit de réaliser (dépenses pour le personnel, dépenses énergétiques, dépenses alimentaires…).

La majorité des EHPAD publics et associatifs vit avec un budget trop restreint et dégage, le plus souvent, un déficit d’exploitation en fin d’exercice. Le groupe Orpéa fixe, dès le départ, des objectifs de résultat excédentaire à réaliser sur le budget annuel de fonctionnement de ses EHPAD.

Il est alors étonnant que les départements et l’ARS ne se soient pas plus hallucinés des forts résultats excédentaires dégagés par les EHPAD gérés par des boîtes du lucratif.

Par ailleurs, les EHPAD publics ne peuvent pas affecter des résultats excédentaires (ou bénéfices) à la rémunération d’actionnaires ! Ces mêmes résultats excédentaires ne peuvent pas plus être utilisés pour verser des primes d’intéressement au personnel. Les résultats excédentaires sont alors, le plus souvent, affectés en provision pour couverture des déficits (sorte de provision qui permet de purger des déficits futurs).

In fine, les autorités de tarification que sont les départements et l’État, auraient dû, depuis longtemps, s’interroger, voir s’insurger, sur le système plus que douteux de dégagement de bénéfices ; d’autant qu’un résultat global d’EHPAD est constitué des résultats des trois sections tarifaires : hébergement (prix de journée payé par le résident), dépendance (argent public versé par le département), soins (argent public versé par l’assurance maladie). Ces mêmes autorités reçoivent, annuellement, les ERRD[3] (comptes de résultats de chaque EHPAD du groupe).

Comment ne pouvaient-elles pas s’étonner de résultats toujours plus excédentaires d’un exercice à un autre ? De plus, à travers le bilan du groupe, ces mêmes autorités de tarification observaient parfaitement qu’une partie non négligeable des résultats excédentaires ne venaient pas constituer les réserves ou provisions, mais disparaissent dans le financement ou la rémunération des actionnaires.

Il est alors plus qu’étonnant que, depuis une quinzaine d’années, aucune réaction publique dans les médias, de ces mêmes autorités, n’aient eu lieu. Pire : les autorités de tarification et les pouvoirs publics ont cautionné ce système. Ils l’ont nourri à dessein ! Pour preuve, Sophie Boissard, directrice générale de Korian, est énarque et a été dircab ministériel[4].

La culture de la performance, instituée par le dispositif EPRD[5], dans une vision hautement financière et libérale, d’inspiration LOLFienne[6], entretient l’idée que la réalisation de résultat excédentaire pour un directeur d’EHPAD est le chemin vertueux à suivre : le « modèle sacré ».

Les ARS, autorités de contrôle étatique, comme les services de tarification départementaux, n’hésitent pas à louer le travail d’une direction quand les résultats excédentaires d’un EHPAD se collectionnent successivement d’un exercice à un autre. À travers le résultat excédentaire, les autorités de tarification y voient le signe évident de la « bonne gestion institutionnelle » d’une direction d’EHPAD. Le travers du scandale Orpéa, nous montre que dégager des marges sur les postes de dépenses, pour réaliser de l’excédent budgétaire, qui se transforme en bout de course en profit pour les actionnaires, est un non-sens.

Nous comprenons alors que le système a été finement entretenu pour légitimer un fonctionnement libéral…

Le secteur médico-social public, associatif et privé, tout comme le secteur de la santé, ne peuvent plus être gérés comme des entreprises du CAC 40. Ces secteurs doivent être immédiatement mis à l’abri des enjeux spéculatifs et des logiques capitalistes et financières. L’accompagnement humain ne doit pas être un business ; il ne peut faire l’objet d’économie ou être rationné. STOP à la marchandisation du secteur médico-social et du secteur de la santé.

Orpea, Korian et les autres… : la Bourse ou la Vie !

Courrier d’Y veyrier à E. Borne et O. Véran

[1] Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes

[2] Agence Régionale de Santé

[3] État Réalisé des Recettes et des Dépenses (permet d’évaluer la conformité des dépenses par rapport aux prévisions)

[4] Sophie Boissard a eu une première partie de vie professionnelle dans la fonction publique, dont directrice du cabinet de Gérard Larcher alors ministre délégué à l’Emploi, au Travail et à l’Insertion professionnelle des jeunes. Depuis 2018, elle est membre du club « Le Siècle », club élitiste, qui a regroupé, en son temps, des opposants à la Libération. C’est aujourd’hui « un point de rencontre obligé pour ceux qui aspirent à diriger et ceux qui veulent continuer à le faire »

[5] État des Prévisions de Recettes et de Dépenses

[6] Loi Organique relative aux Lois de Finances