Confédération FO
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Mailly2Editorial de Jean-Claude Mailly (FO-Hebdo) du mercredi 20 avril 2016

Depuis 2012, de nombreuses me­sures fiscales ont été prises dans un contexte de hausse gé­néralisée des prélèvements obli­gatoires, augmentations, y com­pris liée à la faiblesse de la croissance économique. Conformément aux reven­dications de Force Ouvrière, un certain nombre d’entre elles ont permis à la structure fiscale de retrouver une partie de la progressivité qu’elle avait perdue au cours des années antérieures. La création d’une nouvelle tranche d’impo­sition à 45 % ainsi que l’augmentation de la fiscalité des revenus du patri­moine, via la suppression d’un prélève­ment forfaitaire, comptent parmi les me­sures qui ont contribué au rééquilibrage de la fiscalité.

En montrant comment ces mesures avaient permis d’accroître l’efficacité de la redistribution entre les ménages, c’est­-à-dire de réduire les inégalités de reve­nus entre ceux-ci, les travaux de la sta­tistique publique offrent ainsi, s’il en était besoin, la démonstration supplé­mentaire de l’importance de défendre la progressivité de la fiscalité si l’on est at­taché, comme Force Ouvrière, à la jus­tice fiscale et à la cohésion sociale. Les qualités redistributives mais insuf­fisantes de la fiscalité française et plus globalement celles du système socio-fis­cal s’accompagnant malheureusement d’une certaine complexité. La fiscalité française est en effet complexe ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes et de limites. Au consente­ment à l’impôt tout d’abord qui pâtit cer­tainement de son manque de lisibilité et de transparence, des conditions pourtant essentielles à l’acceptation de l’impôt.

Nous ne répèterons jamais assez qu’une réforme globale est nécessaire et qu’il faut ensuite assurer une stabilité des règles

Sa complexité la rend aussi particuliè­rement vulnérable aux idées reçues et autres raccourcis idéologiques qui, à dé­faut de ne pouvoir jamais en faire la dé­monstration rigoureuse, pointent une responsabilité générale de la fiscalité française dans tous les maux de notre économie, au premier rang desquels la perte de compétitivité des entreprises. Les tenants de cette approche libérale, au nom du maintien de la France dans l’économie mondiale, n’ont alors que comme leitmotiv de réclamer un abais­sement durable de la contribution fiscale et sociale des entreprises tout en récla­mant, dans le même temps, et de façon tout à fait contradictoire, un soutien fi­nancier public toujours plus massif et par ailleurs sans contraintes.

S’il existe, à n’en pas douter, des raisons objectives d’améliorer la lisibilité de la fiscalité et sa cohérence, vouloir la sim­plifier en profondeur ne doit en aucun cas se faire au détriment de ses qualités redistributives. Une partie de la com­plexité de la fiscalité française est en ef­fet pleinement justifiée. Ainsi, l’existence de prélèvements différents (IR, CSG, co­tisations), parce qu’ils financent des dé­penses de nature différente (prestations universelles, prestations d’assurance), a une justification. De même, le fait que les différentes catégories de revenus (re­venus d’activité, de remplacement, du patrimoine) soient imposées différem­ment, c’est-à-dire sur la base d’assiette et de taux différents, est également jus­tifié sur le plan de l’efficacité écono­mique et de la justice fiscale. Nous ne ré­pèterons jamais assez qu’une réforme globale est nécessaire et qu’il faut, en­suite, assurer une stabilité des règles.

Pour résumer, si Force Ouvrière ne dé­fend pas le statu quo fiscal, Force Ou­vrière est indéfectiblement attachée au principe de progressivité que les dernières lois de finances mettent de nouveau à mal par un ensemble de me­sures. En plus d’organiser un scanda­leux transfert fiscal des entreprises vers les ménages (provisoirement évalué à une vingtaine de milliards par an), la décision de supprimer l’impôt sur le re­venu des ménages modestes n’est pas la meilleure solution lorsqu’en parallèle, la fiscalité locale, la fiscalité sur la consommation et notamment la fiscalité écologique continuent d’augmenter, ac­centuant encore le caractère déséquili­bré de notre fiscalité qui reste large­ment et injustement dominée par la fis­calité indirecte ou proportionnelle. L’inscription à la hausse des dépenses fiscales (en plus du CICE) est aussi, et de nouveau, un très mauvais signal pour le rendement de l’impôt mais éga­lement pour la justice fiscale lorsque cette fiscalité dérogatoire vise des reve­nus financiers ou de nouveaux disposi­tifs d’épargne et d’investissement qui n’ont jamais fait la preuve d’une quel­conque efficacité économique.

Force Ouvrière sera encore très vigilante aux modalités qui accompagneront la mise en œuvre prochaine du prélève­ment à la source qui a été décidé sans concertation. Force Ouvrière est totale­ment opposée à cette réforme dont le bé­néfice réel est en réalité quasi-nul alors que les risques sont à la fois multiples et importants, qu’il s’agisse par exemple des risques de perte de recettes, de rup­ture d’égalité entre contribuables ou en­core des conséquences sur la relation sa­lariale s’il était finalement décidé, et de façon totalement aberrante, que l’em­ployeur ait un rôle à jouer dans la col­lecte de l’impôt.

Pour finir, et comme notre organisation le répète souvent, défendre l’impôt ce n’est pas faire de l’idéologie, c’est défen­dre un niveau élevé de dépenses pu­bliques et sociales grâce auquel les be­soins des ménages sont couverts de ma­nière socialisée. Le service public est le bien de ceux qui n’ont rien. S’engager dans une stratégie de concurrence fis­cale et sociale comme tant d’analyses li­bérales nous y poussent signifiera inexo­rablement moins de régulation publique et plus de régulation par le marché. C’est une attaque contre le modèle républi­cain à laquelle Force Ouvrière ne se ré­soudra jamais.