Inspiré par les récents événements en Corse et la promesse de Macron « « d’aller jusqu’à l’autonomie » pour l’île, le Conseil régional de Bretagne vient, le 8 avril, de se déclarer pour un statut autonome de la Bretagne.
On remarquera avec quelles difficultés ce si « jacobin » gouvernement se charge de répondre aux exigences régionalistes, quand il ne les devance pas, de la même manière qu’il sait répondre aux moindres désirs des patrons, tout en refusant de répondre aux revendications des salariés, quand il ne les réprime pas !
Et pour cause, sa volonté de dépecer la République correspond à sa volonté d’en finir avec les droits des travailleurs qui sont justement inscrits dans le cadre des lois de cette République issue de la Révolution. Il s’agit ainsi de casser la matrice, pour livrer sans défense les salariés au patronat de l’institut de Locarn ou d’ailleurs, le CR n’hésitant pas d’ailleurs à préciser que cette autonomie « rendrait un grand service à l’Etat lui-même » !!!
A partir de pseudo particularismes du « sol », jamais loin de ceux du « sang » et de la « race », on en arrive logiquement à la revendication de « droits » différents. « Divine surprise » pour un patronat qui a toujours contesté le moindre cadre l’empêchant d’exploiter sans entraves.
En 1997, sur la question des 35 heures, Ernest-Antoine Seillière, le baron président du MEDEF de l’époque, déclarait lors des états généraux du CNPF dans plusieurs régions « tout le monde ne chausse pas du 35! », et tout comme les élus régionalistes, invitait les patrons à exprimer à l’État leur ras-le-bol « d’être méprisés et ignorés », proposant comme solution notamment « le faux remède: l’État employeur », « les vraies solutions: faire confiance à l’entreprise ».
De fait, l’autonomie revendiquée par les quelques régionalistes historiques et les beaucoup plus nombreux « convertis », c’est dénoncer l’égalité en droit constitutionnelle de la République, issue de la volonté du peuple, pour se coucher sous la loi d’airain du capitalisme et de ses institutions supra nationales et anti démocratiques, créées par et pour la bourgeoisie! Quelle autonomie donc ! Celle du grand capital breton, du club des Trente des Pinault, des Bolloré, Glon, Roullier, Coudray, …
Les exploiteurs peuvent dormir tranquille, il ne s’agit pas d’interdire les licenciements, de lutter contre la surexploitation, particulièrement dans l’industrie agroalimentaire, dont sont victimes les travailleurs en Bretagne, de promouvoir l’école publique contre l’école privée, de faire respecter la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, de se battre pour le maintien et le développement de tous les services publics assurés par des fonctionnaires recrutés avec un statut leur permettant d’être « indépendants » du pouvoir en place,…
De tout cela, il n’en est évidemment pas question, car au contraire, revendiquer la régionalisation, la territorialisation, la différenciation, c’est œuvrer à la privatisation des services publics, au démantèlement du Code du travail et du statut général de fonctionnaire, à la mise en concurrence féroce des travailleurs- et donc accentuer la baisse du coût du travail voulue par le patronat et les multinationales qui n’auront plus qu’à faire jouer la concurrence entre régions et au sein même de celles-ci. C’est considérer que la laïcité institutionnelle ne peut s’appliquer en Bretagne, la foi étant considérée par les régionalistes comme consubstantielle à l’identité bretonne….
Toute l’histoire du mouvement ouvrier, que la CGT-FO « continue », c’est l’histoire des exploités cherchant à s’organiser, à se réunir pour lutter contre leur division et leur mise en concurrence imposée par le système capitaliste. D’où, les conventions collectives nationales, le Code du travail national, le statut général des fonctionnaires, les diplômes et les programmes de l’Éducation nationale, la sécurité sociale,…à l’inverse le patronat n’a eu de cesse de diviser les travailleurs pour justement casser toute logique d’organisation collective : d’où des accords d’entreprise dérogatoires moins favorables aux accords de branche, des certifications locales fondées sur des compétences échappant aux conventions nationales détruisant les diplômes nationaux, des syndicats de la profession et du « terroir » contre les confédérations ouvrières fondées sur la Charte d’Amiens regroupant tous les travailleurs indépendamment de leur origine, de leur appartenance philosophique, politique ou religieuse, des agences régionales de santé œuvrant à la destruction de la Sécu, des hôpitaux fonctionnant avec des budgets locaux, un baccalauréat qui grâce au contrôle continu n’est plus de fait un diplôme national,…
La CGT-FO avait, en 1969, combattu le projet régionaliste et corporatiste qu’avait déjà cherché à imposer de Gaulle, les travailleurs peuvent compter sur sa détermination à s’opposer à nouveau à ce dessein qui, derrière les sourires sur les affiches de ses propagandistes, cache une réalité bien plus noire : celle d’une réorganisation politique et sociale de la société, d’un « nouvel ordre » totalitaire répondant aux exigences d’un système capitaliste aux abois et donc plus dangereux que jamais.
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