« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés … »
Le 19 mars 2015, Jacques, éducateur à Nantes, décède, tué par un usager, pendant l’exercice de son travail.
Le SDAS FO 22 exprime auprès de sa famille, de ses proches et de ses collègues de travail, ses condoléances.
Nous ne discuterons pas des conditions de cette mort.
Chacun d’entre nous, salariés de l’action sociale, à l’annonce de ce « fait divers » a eu un haut le coeur, un frisson, car chacun dans le travail social a ses histoires… où il s’en est bien sorti !
« Mais cela aurait pu être plus grave … »
Ce fait divers, c’est aussi Stéphanie, qui effectue des rondes la nuit entre le CHRS et la Maison Relais, morte de trouille avec son portable personnel et une lampe de poche. Seul son compagnon est inquiet pour elle à cette heure de la nuit, il attend ses messages … pendant qu’elle vérifie si le public accueilli n’est pas en danger. Même les forces de l’ordre ne se déplacent jamais seul dans ce cadre là !
Ce n’est qu’après deux ans de dénonciation, plusieurs agressions verbales, physiques, et deux salariées lasses et moralement épuisées, que l’inspection du travail a fait arrêter ces rondes de nuit à la Maison Relais.
C’est aussi Guy qui nous raconte avec pudeur qu’il s’est fait « casser la gueule » en voulant protéger une collègue de l’agression d’un résident. Plus de trente ans de métier quand même !
Ce sont également, Christelle et Valérie, aides à domicile en milieu rural, qui ont vu les heures complémentaires 2015 annulées en fin d’année pour avoir été en arrêt de travail. (150 pour une, 200 heures pour l’autre). Ce n’est pas de la violence, ça !
Des exemples de ces violences et incivilités quotidiennes, nous en avons dans toutes les boites.
Et les patrons de dire : mais la gestion des conflits, ça fait parti du métier … «Vous ne trouvez pas que vous le chargez un peu ? vous ne pensez pas que vous l’avez cherché ? Il a le dos large !» (en parlant d’un résident fonçant dans mon bureau, arrêté par la porte soudainement bloquée par ma camarade.)
La thèse selon laquelle l’environnement sociétal de plus en plus violent conduirait les travailleurs sociaux, en étant « en première ligne », à être des victimes, conduit à penser qu’il faudrait alors faire barrage à ces incivilités. Cela conduit à un traitement symptomatique (dispositifs d’alarme, agents d’accueil, notes vis-à-vis des usagers et accompagnement juridique des personnes). Est-ce suffisant ?
Loin de nous, de vouloir « instrumentaliser » le décès d’un travailleur, nous qui sommes « outillés » pour la gestion de la misère.
Nous sommes attachés par les liens de subordination à ceux qui consentent et qui cautionnent la loi du silence.
Les moyens se réduisent comme peau de chagrin …
Obligation de moyens mais pas de résultats ! Comment faire actuellement avec les moyens alloués à nos actions ? Chaque action est rationalisée !
De plus en plus de travailleurs sociaux sont confrontés à ces manifestations de violence. Même si elles ne prennent pas à chaque fois une tournure aussi dramatique, elles nous minent, nous usent physiquement et psychologiquement.
Et elles sont autant de signes du désespoir et de la révolte d’assistés sociaux parfois poussés à bout. Doit-on se résigner, en invoquant les « risques du métier », à cette position qui place le professionnel entre le marteau du décideur politique et l’enclume de l’usager ? Certainement pas !
Nous sommes dans le faire semblant, mais nous, travailleurs sociaux, c’est pour de vrai qu’on s’y collent …
Le SDAS FO 22 dénonce le mercantilisme de nos « employeurs » qui nous bradent sur l’autel de l’austérité à la seule fin d’obtenir les marchés.
Le 9 avril nous étions en grève et en manifestation, nous préparons activement les états généraux des salariés de l’Action Sociale en résistance. Nous porterons nos revendications.
Nous refusons de mourir au travail ou quelques soient l’aspect de cette mort.
Il faut que cela cesse ! Et nous nous y emploierons.
Le 6 mai 2015,
Le SDAS FO 22