Dans les Côtes-d’Armor, la crise hospitalière affecte l’ensemble de la chaîne des secours
Des délais de régulation médicale qui s’allongent, l’embouteillage aux Urgences, des transports en ambulance à l’extérieur du département… Les pompiers sont fortement impactés par le manque de personnel dans les hôpitaux. Les délégués FO du Sdis et de l’hôpital Yves-Le Foll de Saint-Brieuc sonnent l’alarme.
« Ces problèmes à l’hôpital sont en train de nous mettre la tête sous l’eau », dit Cédric Cierpka, délégué FO au Sdis des Côtes-d’Armor. « Si l’hôpital plonge, c’est tout le système de santé qui plonge », complète Carine Le Tertre, son homologue à l’hôpital Yves-Le Foll. Les deux syndicalistes Force Ouvrière ont décidé de se battre ensemble pour dénoncer la dégradation de la prise en charge des patients, ces dernières semaines.
Jusqu’à 45 min pour avoir un régulateur au téléphone
La crise que connaissent les hôpitaux des Côtes-d’Armor par manque de personnel affecte aussi les sapeurs-pompiers. Pour la prise en charge d’une victime, les pompiers doivent obligatoirement avoir au téléphone un médecin du Samu, qui leur indique dans quel hôpital ils doivent emmener la personne. C’est ce qu’on appelle la régulation médicale. « En intervention, les collègues passent plus de temps à attendre la destination qu’à traiter la victime, déplore le pompier. Le record, c’est 45 minutes au téléphone ! » La saturation du 15 fait perdre énormément de temps. « Les collègues en ont marre, dit Cédric Cierpka. Le cumul représente un nombre incalculable d’heures sur une journée dans les Côtes-d’Armor. »
Une fois arrivés à l’hôpital, avec une victime qui ne présente pas une urgence vitale, ils peuvent attendre jusqu’à 45 minutes dans l’ambulance avec elle. Parfois, les ambulances font la queue. Les pompiers appellent ça « l’entonnoir ». La faute à la saturation des urgences de Saint-Brieuc et ses quelque 60 000 passages par an. Mais aussi à « la sécurisation du parcours patient, car plusieurs logiciels sécurisent sa prise en charge », explique Carine Le Tertre. « Il y a plus d’administratif à faire, mais on n’a pas augmenté le nombre de personnes… »
« Pendant ce temps, qui s’occupe des incendies ou des accidents ? »
Ces délais importants déplument les casernes. « Pendant que les pompiers attendent 45 minutes à la régulation puis à l’hôpital, qui s’occupe des incendies ou du secours routiers ? Et bien il n’y a plus personne », s’agace Cédric Cierpka. À cela s’ajoute le vieux problème des carences d’ambulances. Les pompiers effectuent des secours à personnes qui incombent, normalement, à des ambulances privées. Sauf qu’elles ne sont pas assez nombreuses à travailler 24 h/24…
La réorganisation des hôpitaux en groupement de territoire (GHT), ces dernières années, avait déjà impacté les pompiers. « Une victime qui fait un accident vasculaire cérébral à Dinan doit être transportée à Saint-Malo ou Saint-Brieuc », déplorent-ils. Pour les trois secouristes dans l’ambulance, cela représente plus d’une heure de route. « L’hôpital de Paimpol a fermé son bloc opératoire, qui couvrait pourtant une partie du littoral. Paimpol a aussi perdu sa maternité », rembobinent les deux représentants du personnel. Or, « aujourd’hui, Saint-Brieuc ne peut plus absorber tous les besoins du territoire », constate Carine Le Tertre. La clé, pour les deux syndicalistes, est le renforcement des moyens hospitaliers.
« Cet été, comment va-t-on faire ? »
La direction du GHT concède « un nombre important de postes vacants et à un absentéisme en hausse au 1er trimestre 2022, notamment du fait de la 6e vague Covid ». Le colonel Jean Moine, directeur du Sdis des Côtes-d’Armor, est bien conscient du problème. « On constate une très forte activité des secours à personne. On va essayer de trouver des solutions avec le Samu, l’ARS et la préfecture pour réduire la pression opérationnelle qui pèse sur tout le monde. » Il affirme son souhait de recentrer les pompiers « sur leur cœur de métier ». À savoir l’incendie, le secours routier et l’urgence pour ce qui est du secours à personne.
Les deux syndicalistes ont décidé d’alerter leurs élus pour trouver des solutions rapides. En mars 2022, le nombre de prise en charge a grimpé de 15 % par rapport à mars 2021. « L’été n’est pas arrivé, s’inquiètent-ils. Avec les touristes et les incendies, comment va-t-on faire ? »