Confédération FO
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Monsieur le préfet du département des Côtes-d’Armor,
Mesdames messieurs les responsables publics,

Les Unions Départementales des syndicats FO, CGT, FSU et Solidaires des Côtes d’Armor s’adressent solennellement à vous, Monsieur le Préfet, et prennent à témoin les responsables publics susnommés, au regard de la situation sanitaire et sociale, encore dégradée par la pandémie du Co-vid 19 et ses conséquences sur les conditions de « travail à risque » des salariés, de ceux pour le moins qui sont tenus de continuer de travailler dans les circonstances actuelles.

Dans le contexte de cette pandémie, sont légitimés notre refus des différentes contreréformes des dernières décennies et les mobilisations et grèves menées par les salariés contre les conséquences délétères des restrictions budgétaires en particulier dans le secteur hospitalier et les EPHAD, où les agents ont fait grève pendant des mois à leur poste de travail,
sacrifiant leur salaire à la continuité du service. Tous les autres services publics, garants de la cohésion sociale et de la protection des usagers ont été attaqués et réduits également.

Chacun constate aujourd’hui que ces services, exsangues, n’ont ni la capacité de faire face aux conséquences de cette épidémie, ni de rendre la qualité de service attendue, malgré le dévouement des agents (manque de personnels, de lits, de matériels, de médicaments, etc.…). Force est de constater que les décisions prises récemment, en matière de politique industrielle, n’obéissent qu’à une vision comptable oubliant l’humain (pour exemple en matière de gestion des besoins sanitaires, la fermeture de l’usine de masque et d’EPI de Plaintel, fin 2018). Ainsi, le pays se retrouve affaibli face aux risques mortels pour les patients, mais aussi pour les
salariés placés en première ligne, au péril de leur propre santé et de celle de leurs proches.

Le risque de propagation de la maladie est d’autant plus important que l’absence de matériels est criante ! Qu’il s’agisse des soignants, public/privé et de l’aide à domicile plus qu’ignorée, de tous les salariés et fonctionnaires dépourvues des moyens, mais aussi – comme nos syndicats le constatent aujourd’hui – de la totalité des salariés maintenus au travail dans cette période par leur entreprise, tous sont menacés par défaut de matériel de protection sanitaire.

Dans ces conditions, Monsieur le Préfet, nous vous demandons de prendre sans délai, en votre qualité de premier représentant de l’Etat à l’échelle du département, les dispositions qui s’imposent pour protéger tous les salariés, renforçant la sécurité sanitaire de tous les autres citoyens.

Il n’est plus possible pour nous de nier que l’impéritie du pouvoir a indirectement contribué à la gravité de la situation actuelle.

Contre toute attente en matière de lutte contre une épidémie grave, l’exécutif a privilégié l’Économique et le Politique, choisissant de protéger la finance. Puis, négligeant toutes les précautions dues aux citoyens, a autorisé le déroulement du premier tour des élections municipales.

La production, rendue prioritaire dans l’urgence, nous interroge d’autant plus intensément qu’à la lecture des positions du Conseil d’Etat sur l’organisation de la Fonction publique et du secteur hospitalier à l’avenir, le projet de marchandisation de celle-ci semble loin d’être suspendu !

Avant d’octroyer des moyens à la protection civile et aux personnels du Médico-Social, ce sont aux banques et à la production que sont parvenus les milliards d’Euros débloqués. Avant même d’envisager la guérison, il a fallu garantir les futurs prêts des banques aux entreprises pour leur futur rebond. Quant à la « sacro-sainte » production, les allègements de cotisations sont tels qu’à l’échelle régionale, l’URSSAF annonce que ce sont moins de 40% de cotisations qui ont été réglées.

Tandis que nombre de salariés mis en chômage partiel sont d’ores et déjà en grandes difficultés financières pour faire face à la vie quotidienne, rien n’est entrepris pour eux. Et seules les autorités semblent ignorer que les salariés à famille mono parentale, à temps partiels, en intérim, dans le nettoyage et dans l’aide à domicile, sont les plus touchés, et qu’à ce drame s’ajoute le facteur d’inégalité salariale pour les femmes. Baisse de rémunération, perte de pouvoir d’achat, voilà l’actualité pour les salariés les plus modestes.

Nous demandons que des mesures soient mises en oeuvre pour ces salariés au-delà du maintien du salaire à 100% ou de la mise en oeuvre des revalorisations salariales initialement prévues. De même, les fonctions administratives peuvent être ralenties, ce qui peut impliquer des erreurs ou des retards de versements de salaires. En effet, nous revendiquons l’annulation des agios bancaires en cas de retards de paiement des salaires et le report du remboursement des prêts bancaires. Nous vous demandons donc d’intervenir auprès du gouvernement pour qu’il prenne en compte cette urgence sociale pour les travailleurs.

Nous revendiquons également, au regard de tous les dividendes engrangés par le passé, que les salariés en chômage partiel, soient rémunérés à 100 % du salaire net, à travers un complément (de 12% du salaire brut) pris en charge par l’employeur. Et pour les cas où l’Etat n’assumerait pas ce manque à gagner, nous vous demandons d’intervenir auprès des employeurs pour leur expliquer que, dans le cadre des prêts « rebond », ils se doivent d’intégrer le paiement à 100%, et si nécessaire d’intervenir auprès des assurances pour que celles-ci prennent leur part de responsabilité. Pour ce faire, le département devrait être déclaré en état de catastrophe sanitaire.

En matière de protection des salariés, nous vous demandons de poser l’interdiction des licenciements économiques à l’image de ce qui se met en place dans d’autres pays.

Toujours dans le même souci, le confinement n’étant pas un temps de repos classique, nous dénonçons l’ordonnance du 27 mars 2010 et revendiquons que la prise de congés ne puisse être imposée par l’employeur, mais qu’elle relève du seul volontariat, avec compensations, de même pour les conditions d’organisation du travail.

Pour en revenir à la protection sanitaire contre le coronavirus, nous vous demandons d’intervenir auprès des employeurs pour leur rappeler que si les salariés ne disposent pas du matériel indispensable à leur protection, ces derniers sont en droit d’exercer leur droit de retrait, et que dans ce cas, l’employeur ne peut ni le leur interdire, ni les priver de leur salaire.

Depuis déjà plusieurs jours, l’ensemble de ces dispositions n’est plus respecté. Il s’ensuit donc des risques importants pour les salariés. Déjà, des accidents se sont produits. Nous ne laisserons pas des salariés démunis exposés à une telle situation. S’il le fallait nous les appellerions à la grève pour obtenir satisfaction.

C’est ici l’occasion, pour nous, de rappeler combien la nécessité de remettre en place les CHSCT devient nécessaire. Cette instance composée d’élus du personnel et d’un représentant de la direction permettait de rappeler périodiquement, autant que de besoin, leurs responsabilités et leurs obligations aux employeurs, d’agir et d’enquêter dans les domaines qui étaient les siens. La crise actuelle montre toute l’importance que revêtait le CHSCT, à l’inverse de la (sous)commission CSST dont l’employeur n’a que faire.

Nous rappelons également que le délégué syndical, le représentant de la section syndicale, le membre du CSE… doivent pouvoir circuler librement sur le(s) lieu(x) de travail, en respectant les gestes barrières. Des outils comme un tél. Mobile ou un ordinateur portable peuvent aider en cas d’urgence sanitaire.

La pandémie COVID-19 montre également que les salariés les plus précaires, habituellement invisibles, dont personne ne parle pendant cette épidémie sauf les syndicats – ceux de la propreté, désinfection, prévention sécurité, du nettoyage, des transports, du service public de contrôles et de gestion de crise, sont devenus, aujourd’hui, les premiers de corvées, en première ligne pour répondre aux besoins essentiels de la population.

Nous n’évoquerons pas, dans cette lettre, la nécessité de revoir l’échelle des salaires, ainsi que les augmentations bloquées par l’inaction de l’Etat au 1er janvier ! La priorité doit porter sur la santé des travailleurs et les conditions de travail actuelles. Prendre les mesures sanitaires pour les plus exposés est d’autant plus nécessaire que, le plus souvent, la faible surface de leurs logements favorise les risques de transmissions Il faut tirer toutes les conséquences de la fermeture des écoles et crèches. La garde de leurs enfants pour les pères et mères, à leur domicile, est désormais leur priorité et ce avant même le travail. C’est pourquoi nos organisations revendiquent donc pour ces salariés :

  • que tous les cas de COVID-19 soient reconnus au titre d’une maladie professionnelle et cela de façon rétroactive depuis le début de l’épidémie,
  • que les mesures et adaptations pour assurer distanciation et gestes barrières doivent soient mises en place (installation de bâches, plexiglass, 1 personne par véhicule…),
  • que les EPI (équipements de protection individuelles) soient mis à disposition des salariés : masques aux normes, solutions hydro-alcoolique, gants… ainsi que le nécessaire pour le nettoyage des postes, lors des relèves,
  • que le temps de travail soit absolument contenu et les dérogations (semaine de 60 heures, travail le dimanche…) abandonnées. Au contraire, les horaires et jours de travail doivent, selon nous, faire l’objet d’adaptations comme cela commence à se faire dans certaines entreprises et certains services,
  • que des solutions de gardes d’enfants et d’accueil soient proposées par les collectivités territoriales à l’image de ce qui est fait pour les personnels nécessaires à la gestion de la crise en milieu scolaire. Les enfants de ceux qui doivent travailler ne doivent pas être les laissés pour- compte.
  • que des solutions de déplacements soient proposées par les entreprises et l’Etat y compris en matière d’offre de transport.
  • qu’interdiction soit faite aux employeurs de faire signer à leurs salariés des déclarations individuelles pour se défausser de leurs responsabilités, comme certaines entreprises ont déjà commencé à le faire.

Nous vous demandons de profiter que notre département est moins touché que d’autres, pour mettre en place les mesures aptes à limiter l’ampleur du bilan. Nos organisations seront vigilantes quant aux dispositions que vous prendrez.

Nous souhaitons également vous faire part de notre inquiétude quant aux pressions effectuées par des directions sur la médecine du travail allant jusqu’à demander au médecin du travail de contester la décision du médecin référent du salarié (nombreuses alertes recensées) ; ou encore d’exiger du médecin traitant une prescription de test.

Vous ne serez pas étonné de lire, Monsieur le Préfet, que pour nos organisations syndicales la vie et la santé des travailleurs doivent primer sur l’économie, reprenant l’affirmation d’un médecin : « pour travailler, il faut être en bonne santé ». C’est pourquoi, nous revendiquons que les travailleurs devant déroger au confinement soient seulement ceux qui contribuent aux besoins essentiels de la population, et non aux profits du capital, en échange d’une prime.

Dans la période, les organisations syndicales signataires de ce courrier auraient bien accueilli la proposition d’une table ronde téléphonique avec vous, afin de discuter sur la base des éléments que nous avons en notre possession sans que cela se traduise par une séance de questions réponses, mais au contraire, pour appréhender les questions qui concernent les salariés.

En attendant de vous lire, nous, organisations syndicales qui représentons salariés et fonctionnaires, resterons vigilantes quant au respect des libertés individuelles et ne manqueront pas de vous alerter si besoin.

A St Brieuc le mardi 7 avril 2020,
Signataires

UD CGTFO 22, UD CGT 22, FSU 22, UD Solidaire 22
Eric LE COURTOIS Matthieu NICOL Ollivier DEBRETAGNE David COCAULT