À la suite d’une décision unilatérale du chef de l’État en juillet, le Premier ministre vient d’adresser aux interlocuteurs sociaux une lettre de cadrage ouvrant – pour la troisième fois en un an et demi alors que personne n’est demandeur – une négociation interprofessionnelle de la convention d’Assurance chômage, avec pour cadre une trajectoire financière contrainte – près de 4 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Le piège est évident à exiger de telles économies tout en demandant d’indemniser plus de monde : proposer l’innégociable afin de critiquer l’inefficacité des interlocuteurs sociaux à apporter des solutions à une dette due à l’État. Mais notre responsabilité est de tenir bon, et parce que Force Ouvrière a la négociation dans son ADN, il est de notre rôle de contrepoids de ne pas pratiquer la chaise vide et d’être présents à une telle négociation.
Nous sommes les artisans du progrès social, chaque femme et chaque homme qui s’engage à Force Ouvrière est ici pour bâtir et conquérir de nouveaux droits. Alors jamais nous ne nous sentirons liés par une lettre de cadrage imposant destruction et déprotection. Ainsi, c’est bien en tant qu’organisation syndicale libre et indépendante – ce qu’a clairement exprimé le Comité confédéral national à l’unanimité – que FO se rendra aux négociations, défendant ses exigences et ses revendications, refusant le rôle de haut-commissaire à la destruction de l’Assurance chômage. Mais surtout, FO se refusera à accompagner une nouvelle réforme accélérant la transition en cours vers une « start-up nation » où le chef de l’État dirige seul en P-DG, passe des « contrats » avec les citoyens et sous-traite les chantiers difficiles aux interlocuteurs sociaux.
Parce que les reculs sociaux ne se négocient pas mais se combattent, il est en particulier inconcevable pour Force Ouvrière de discuter d’une baisse ou d’une possible dégressivité des allocations chômage. Une telle mesure fait d’ailleurs écho à la double logique actuelle d’individualisation et de responsabilisation, qui veut nous faire croire qu’un chômeur est seul responsable de sa situation parce qu’il ne parvient pas à se vendre sur un marché du travail évolutif en s’assurant de son employabilité immédiate. Non, le modèle de demain ne peut pousser chacun à s’adapter sans fin aux besoins immédiats des employeurs et à renoncer à tout engagement, toute passion, qu’on soit horticulteur, cariste, enseignant, infirmier, architecte, etc.
Encore une fois, gouverner c’est choisir. Alors que chaque année, la puissance publique déverse 140 milliards d’aides aux entreprises sans aucun effet concret sur l’emploi, elle se refuse à prendre ses responsabilités face à une dette née du fait que l’Unédic doit notamment compenser des exonérations massives de cotisations. C’est donc sous un prétexte comptable fallacieux que le gouvernement compte réaliser une baisse généralisée des droits.
L’heure est à la défense de la solidarité interprofessionnelle et de la logique assurantielle, fondements lourdement menacés par la négociation à venir. Nous ne voulons pas d’un projet de société dans lequel la solidarité financée par la cotisation laisse la place à une assistance publique financée par l’impôt entre les mains des exécutifs. Sous l’impulsion d’André Bergeron, Force Ouvrière a joué un rôle clé dans la création de l’Assurance chômage en 1958 ; il nous appartient désormais de préserver cet îlot de paritarisme pour continuer à défendre sans relâche le modèle social qui est le nôtre.