La Provence : Le report de quinze jours annoncé par le gouvernement peut-il vous inciter à discuter ou est-ce définitivement non?
Jean-Claude Mailly : Ce projet de loi nous pose d’abord un problème de philosophie générale. On est en train de remettre en cause des droits fondamentaux pour tout ramener au niveau de l’entreprise, là où le rapport de forces est le plus fragile. C’est une vieille demande patronale. Après, c’est décliné dans toute une série de points, en matière de salaires, de durée du travail, de temps partiel, de médecine du travail… C’est une remise à plat qu’il faut. Il faut donc suspendre ce projet. C’est ce que je dirai lundi au Premier ministre. On arrête, on gèle, on discute et on ne se met pas de délai. Sinon, si le projet est bloqué, on ira au bras de fer. Cela se traduira par des arrêts de travail.
Y a-t-il des lignes rouges sur lesquelles vous ne transigerez en aucun cas ?
Jean-Claude Mailly : Il y a effectivement les licenciements économiques, les prud’hommes, les accords de branche et les conventions collectives qu’ils veulent casser… Mais le problème ne se limite pas à trois ou quatre points. C’est là notre différence avec d’autres organisations syndicales. Donc, on revoit tout. On ne peut se contenter de trois ou quatre aménagements. Je ne connais pas le Code du travail par cœur, mais je le connais mieux que le Premier ministre.
Tout est-il vraiment à jeter ?
Jean-Claude Mailly : On peut revoir le Code du travail. Il n’est pas intangible et il évolue tout le temps. S’il est aussi complexe aujourd’hui, c’est parce que les employeurs y ont ajouté des complications. Mais il y a un problème de méthode. On n’a jamais eu l’intégralité de ce projet entre les mains. On nous l’a montré sans qu’on puisse le regarder. J’ai connu trois présidents de la République depuis que je dirige FO et jamais je n’ai vu aussi peu de dialogue social ! En étant de plus en plus libéral, le gouvernement est de plus en plus autoritaire sur le plan social. Le Medef est satisfait, c’est bien le signe que ça ne va pas.
Que pensez-vous de la relation privilégiée qui s’installe entre le gouvernement et la CFDT ?
Jean-Claude Mailly : J’ai toujours considéré que c’était dangereux, pour un gouvernement comme pour un syndicat, d’avoir des liens privilégiés. Là, ça atteint des sommets. Certains ministres sont même intervenus pour dire qu’il fallait arriver à un accord avec la CFDT. On n’a qu’à mettre Laurent Berger ministre du Travail, ce sera plus clair. Un minimum de respect des procédures démocratiques suppose que tout le monde soit écouté. Le gouvernement, à force de se mettre des œillères, récolte la tempête qu’il a semée. Il faut être aveugle pour simplement reporter de quinze jours. Le seul mot d’ordre, c’est le retrait du projet. Ou alors on descend dans la rue. Il n’y a pas 36 solutions.
Propos recueillis par François Tonneau (la provence)