André Bergeron nous a quittés.
Né en 1922, ouvrier typographe, actif pendant le Front populaire, il eut différentes responsabilités syndicales, à l’union départementale du Territoire-de-Belfort, à la fédération du Livre, puis au bureau confédéral où il fut élu en 1956 avant de devenir secrétaire général en 1963, succédant au premier secrétaire général de la CGT-Force Ouvrière, Robert Bothereau.
Il fut de ceux qui ont grandement contribué au développement de Force Ouvrière.
Présent lors de la scission d’avec la CGT et à la création de la CGT-Force Ouvrière, il a exercé la première partie de ses mandats de secrétaire général pendant les Trente Glorieuses, une époque où beaucoup d’acquis sociaux ont été obtenus par la pratique contractuelle : des retraites complémentaires à la formation professionnelle en passant par l’Assurance chômage, autant d’avancées pour les travailleurs par la mise en place de régimes paritaires. Alors que la CGT, courroie de transmission du Parti communiste, et la CFDT naissante, « autogestionnaire » et politisée, ne s’engageaient pas dans les accords, Force Ouvrière fut le pilier syndical de la négociation collective. Une pratique contractuelle conçue comme un outil de l’indépendance syndicale. Comme me le racontait André Bergeron, à cette époque, les accords contenaient du « plus » pour les salariés, ce n’était pas du « donnant-donnant ». C’est tout simplement ce que nous appelons le réformisme.
À la fin des événements de mai 1968, il obtint l’accord du CNPF pour une augmentation du salaire minimum (Smig à l’époque) supérieure à ce que voulait le gouvernement. Sollicité à différentes reprises pour être ministre, il a toujours refusé, comme il refusa tous « les honneurs ».
Antistalinien, il dénonça aussi en 1981 la présence de ministres communistes au gouvernement. Fin négociateur, surnommé le père tranquille du syndicalisme, André Bergeron savait aussi être ferme quand il le fallait. Il a épousé son époque, ne transigeant pas avec la liberté et l’indépendance syndicales. Il joua également un rôle important à la CISL, dont il était vice-président. Souffrant depuis quelques années, touché par une maladie qui vous déconnecte des réalités, il s’était retiré sur sa terre natale, du côté de Belfort.
Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui rappellent sa formule du « grain à moudre ».
Lors de l’une de nos dernières rencontres, il m’expliquait que le monde avait beaucoup changé depuis l’époque où il était secrétaire général. Et il avait pris comme exemple les rencontres avec les patrons : « Ceux que je voyais étaient propriétaires de leurs entreprises, ceux que tu vois sont des représentants des actionnaires, ça change beaucoup de choses ! »
Aujourd’hui, six mois après la disparition de Marc Blondel, les militant(e)s de Force Ouvrière sont de nouveau dans la peine. Je présente à l’épouse d’André, Georgette, à sa nièce et à toute sa famille nos plus sincères condoléances.
Salut camarade
Jean-Claude MAILLY